Accueil Santé Pourquoi découvrir l’origine du coronavirus est si important et si compliqué

Pourquoi découvrir l’origine du coronavirus est si important et si compliqué

La chauve-souris est le coupable idéal, mais il lui faut un hôte intermédiaire pour infecter l’Homme. Et si la piste du serpent est très fragile, les recherches ne font que commencer.

Alors que la Chine multiplie les restrictions de plus en plus importantes pour limiter la propagation du nouveau coronavirusqui a déjà tué 17 personnes, les chercheurs du monde entier tentent de comprendre exactement à quoi nous avons affaire.

On sait que l’épidémie a débuté sur un marché de Wuhan où s’échangent des animaux vivants. Le génome du virus, récolté sur des patients, a également été entièrement séquencé. Il s’agit clairement d’une nouvelle forme de coronavirus, baptisé 2019-nCov. Et il est également clair qu’il a été transmis à l’Homme par un animal, encore non identifié, que l’on appelle communément un “réservoir”.

Pour le reste, malheureusement, “on est encore dans le flou”, affirme au HuffPost Sandrine Belouzard, chercheuse au Centre d’infection et d’immunité de Lille. Et si le serpent ou la chauve-souris sont pour l’instant évoqués, ces pistes sont à prendre avec des pincettes.

L’enjeu est pourtant d’importance car “la confirmation de la présence d’un réservoir animal est essentielle pour l’intervention et la prévention de l’épidémie”, expliquent deux chercheurs américains dans une mise au pointpubliée ce mercredi 22 janvier dans le Journal of medical virology. Pour identifier le parcours du virus et ce réservoir animal, il va donc falloir comparer les virus entre eux.

La chauve-souris originelle

Un exemple tout simple: comme le rapporteWired, les informations à notre disposition montrent que le virus n’a presque pas muté depuis qu’il a contaminé l’Homme. Sur 15 génomes viraux analysés, presque aucune différence n’a été repérée. Cela veut dire que soit le virus s’est propagé vite entre animaux à Wuhan et est passé de la bête à l’Homme à de multiples reprises, soit qu’il y a eu peu d’humains contaminés au départ et qu’il est ensuite très virulent entre humains.

Cette deuxième hypothèse n’est pas celle retenue pour le moment au vu de ce que l’on observe. Mais pour s’en assurer, les données actuelles ne suffisent pas, précise le magazine. Sauf que si l’on connaissait l’animal qui a transmis ce coronavirus à l’Homme, on pourrait alors tester en laboratoire sa viralité. Voilà pourquoi, entre autres, il est important de savoir quel animal a contaminé l’Homme.

Malheureusement, les choses ne sont pas simples. “Une fois que l’on a le génome, on le compare à des banques de données dans lesquels on peut vérifier les virus connus les plus proches”, explique Sandrine Belouzard. Ça, on l’a déjà fait. Résultat: c’est bien un coronavirus proche du Sras, dont l’épidémie venue de Chine en 2003 avait fait plus de 700 morts. Surtout, il est proche de “virus de type Sras que l’on trouve dans des chauves-souris”, détaille la chercheuse. 

En effet, les chauves-souris sont de véritables nids à virus en tout genre, des porteurs sains qui ont le don d’intriguer la science. Elles représentent par exemple 20% de la diversité des mammifères alors que ce sont les seuls à voler. Et pour une raison mystérieuse, elles semblent transporter de nombreux virus… sans subir d’effet négatif. Une étude de 2007 expliquait que les chauves-souris, notamment l’espèce Grand fer à cheval, est “un réservoir naturel d’un groupe de coronavirus apparenté au Sras”.

La quête de l’hôte intermédiaire

Mais apparenté ne veut pas dire identique. Le génome des coronavirus trouvés sur les chauves-souris est proche, mais pas assez pour pouvoir passer à l’Homme. Dans le cas du 2019-nCov, la ressemblance est d’environ 85%, nous précise Sandrine Belouzard.

Pour qu’un coronavirus infecte l’Homme, il faut qu’il mute plusieurs fois. D’abord pour infecter un autre mammifère. Puis, dans cet autre animal, appelé “hôte intermédiaire”, une nouvelle fois pour infecter l’être humain. En 2003, c’est via la civette palmiste que le Sras est né. Pour le virus Mers, les intermédiaires sont des dromadaires. “Ce que l’on cherche, aujourd’hui, c’est l’hôte intermédiaire qui doit être infecté par un virus très proche, voire identique à celui trouvé chez l’Homme”, détaille la chercheuse.

Mercredi 22 janvier, toujours dans la revue Journal of medical virology, des chercheurs chinois ont émis l’hypothèse d’un hôte intermédiaire inédit: le serpent. Mais Sandrine Belouzard appelle à la prudence. “Ces résultats sont surprenants et très indirects”, explique-t-elle. Pour faire simple, les auteurs ont analysé en détail une partie du virus, qui est “utilisée préférentiellement par le serpent quand il fabrique des protéines”.

Analyses en cours

C’est donc loin d’être une preuve directe, surtout “qu’on ne connait aucun coronavirus chez les serpents, qui sont des créatures à sang froid”, rappelle la chercheuse, qui se dit “un peu sceptique”. D’autant que le marché de Wuhan était rempli de nombreux autres mammifères et oiseaux, connus pour être touchés par divers coronavirus.  Des prélèvements ont été réalisés sur plusieurs animaux présents, selon les autorités chinoises. 

Dans la mise au point, les deux chercheurs américains évoquent également la piste du serpent, tout en rappelant également qu’il faut réaliser des vérifications et que de nombreux autres suspects étaient présents à Wuhan. La plus simple: “déterminer si 2019-nCov peut être isolé et infecter les serpents”.

Si des résultats positifs sont trouvés sur les prélèvements d’animaux, il faudra également vérifier que le virus animal est bien capable de contaminer l’Homme. Dans cette course contre la montre, la quête de l’origine est loin d’être achevée.

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