
Issu d’une famille de 6 enfants dont je suis le quatrième. Mes parents n’ont jamais travaillé de leur vie, mais ont quand même le courage de mettre six enfants au monde.
J’ai quitté l’école à 12 ans et depuis, je galérais même pour manger un morceau de pain. Un jour, nous avions faim, mon grand frère et moi désarmaient un agent de sécurité et depuis ma vie a changé, notre vie a changé, mais dans le mauvais sens.
Nous ramenions à la maison des objets volés: cellulaires, ordinateurs, des billets de banques en gourdes et dollars. Nos parents n’en disaient mot, prenaient quelques billets et se choisissaient, joyeusement les meilleurs téléphones. Certains de nos amis s’éloignaient de nous, mais n’avaient pas le courage de nous dénoncer à la police. Nos voisins, eux, avaient peur de nous, parce que le groupe grandissait. Nous étions déjà dix.
Un jour, un de nos voisins avait le courage de nous dénoncer à la police. Après une bonne filature, les policiers débarquaient dans notre antre. Il y a eu trois morts dans notre camp. Mon frère et moi étions interceptés par la police.
Nous avons passé une semaine au commissariat de Port-au-Prince dans l’attente d’un procès. Nous reconnaissons avoir fait beaucoup de victimes au sein de la population civile. En plus, nous étions arrêtés armes à la main.
Un jour, un avocat s’était présenté au commissariat avec une lettre de libération signée d’un juge qui avait reçu 125 000 gourdes de notre papa. À rappeler qu’il ne pouvait pas nous donner même à manger, mais pouvait se trouver 125000 gourdes pour obtenir notre libération.
De retour à la maison, nous avons fait taire à tout jamais le voisin qui nous a dénoncés et sa famille avec. Ensuite, nous recommencions de plus belle à faire ce que nous savions faire le mieux: voler, tuer et kidnapper.
Un jour, des membres de l’opposition au pouvoir nous ont contactés pour les épauler dans leurs luttes contre le pouvoir. Une enveloppe de 500 mille gourdes nous était donnée pour les besoins de la cause. Ils nous ont aussi donné des armes et munitions. Notre groupe prenait de l’ampleur et même des membres du secteur privé des affaires nous contactaient pour nous confier des missions. Le groupe s’agrandissait encore avec de nouvelles armes et munitions.
À l’approche des élections, deux candidats au Sénat et à la députation, issus d’un même parti politique, nous ont contactés pour les aider à gagner. Encore des armes, des munitions et beaucoup de dollars nous sont parvenus. Nous avions pour mission de saccager tout bureau de vote où ils seraient susceptibles de perdre. Le groupe devenait encore plus grand et nous étions en train de devenir une force incontournable.
Deux mois après les élections, la police m’a, une fois de plus, arrêté et tué plusieurs de mes soldats dont mon grand frère. Cette fois-ci, ce n’était pas mon papa qui avait payé pour ma libération, c’étaient plutôt un sénateur de la République et des leaders politiques qui se sont mis ensemble pour me sortir de là. J’étais, selon leur dire, un militant politique que le pouvoir persécutait.
J’étais libéré et mieux encore, j’avais de nouvelles missions et de nouveaux moyens. Mon groupe passait à 50 soldats. Nous n’avons plus peur des forces de police sous-équipées et limitées dans leurs interventions. En plus, les organismes de défense des droits humains sont nos fidèles anges gardiens et nos derniers remparts quand tout allait mal et quand surtout les unités spécialisées de la PNH sont à nos trousses.
En suivant cette chaîne, de l’enfance à l’adolescence de ce bandit. Combien y a-t-il de faiseurs et de receleurs de bandits? Combien y a-t-il de coupables ? Qui sont les plus virulents dans leurs critiques? Qui critique qui? Qui accuse qui? Et qui sont les victimes de la nonchalance, de la tolérance et du recel du grand banditisme armé en Haiti? Sachez qu’on ne récoltera que ce que l’on aura semé.
KevDar, Septembre 2020
Antenne509/A509
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