
Jamais le mal n’a été aussi vénéré et jamais les bandits armés ne se sont jamais sentis aussi fiers. Fiers d’être nos tranche-têtes, fiers d’être des hors-la-loi et fiers de prendre leur revanche sur une société qui les a couvés, maternés et tolérés.
Ils tuent, volent et kidnappent à visière levée, et cela ne semble déranger personne. Au contraire, on se conforme à leurs règles de jeu qui, aujourd’hui, font partie de notre imaginaire collectif.
Aujourd’hui, il est plus que normal pour un policier de se cacher, de ne pas se laisser identifier, parce qu’il court le danger de se faire repérer et d’être en proie à la persécution dans une société qui ne le protège pas et qui, au contraire, protège des bandits armés qui nous malmènent et nous égrènent à longueur de journées.
Nous l’avons vu à plusieurs reprises. Ni les politiciens, ni des franges de la population civile, ni des organismes de défense des droits humains ne s’en cachent pas. Ils les défendent contre vents et marées. Ils les défendent, même au péril de leurs vies, parce que les vertus se perdent dans l’intérêt – comme les fleuves se perdent dans la mer, pour répéter François de la Rochefoucault.
Comment expliquer ce fourmillement de gangs en Haiti? Comment expliquer la facilité avec laquelle nos jeunes s’y embrigadent ? Et comment expliquer la difficulté pour les unités spécialisées de la PNH d’en découdre avec eux?
La meilleure police au monde échouera si la population ne coopère pas, car sans informations adéquates quant à leurs cachettes, leur modus operandi ou même leurs identités, il est difficile de triompher d’eux ou même de les déloger, parce qu’il n’y a pas mieux que l’information. Sans elle, la police lâchera toujours du lest et retournera bredouille de ses opérations, aussi planifiées fussent-elles.
À l’heure qu’il est, les bandits armés monopolisent la toile pour se faire connaitre, vanter les crimes dont ils se sont rendus coupables ou pour se faire aduler. Ils y sont parvenus malheureusement.
La presse locale nous vend leurs images à longueur de journées. Leurs voix et leurs sobriquets résonnent dans tous les recoins de la République, et cela a vraiment fait école, au point qu’aujourd’hui, on ne peut plus les compter. Nos villes, nos quartiers croupissent sous leurs coupes réglées et c’est peu dire, je dois l’admettre. L’Etat est dépassé et cela semble amuser les activistes de la politique avides de crises et de pouvoir. Le pays se meurt, ils s’en réjouissent, parce qu’ils en ont après le pouvoir, le pays se meurt sous la coupe réglée des gangs armés, cela semble ne pas les inconforter, parce qu’ils n’aiment pas le pouvoir. Autant punir la République de leurs larves violentes et de leur vision réductrice, car – il n’y a pas mieux pour faire tomber le pouvoir de son piédestal.
Aussi, ces luttes acharnées pour le pouvoir ou pour la recherche de visibilité politique favorisent-elles la poussée des gangsters dont la fierté fait les délices des radios mille collines qui, elles, ne se gênent pas pour nous les catapulter au visage. Mais oublient-elles déjà que la méchanceté est un boomerang qui revient toujours à celui qui l’a balancée.
KéDar, Juin 2020
Antenne509/A509
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