« L’inégalité des conditions entraîne l’inégalité des richesses, mais l’inégalité des richesses n’amène pas l’inégalité des besoins », pour parodier Jean Anthelme Brillat-Savarin
Les années ont passé et les gouvernements se sont succédé, mais notre système de santé n’a pas changé d’un poil. Au contraire, il s’est délité de jour en jour – au grand dam d’une population besogneuse – et n’est même plus ce qu’il était, il y a plus de 30 ans.
Pas d’investissement dans le milieu et aucune politique gouvernementale n’est venue supporter les efforts consentis par ceux-la même qui nous ont précédé et qui nous ont doté du plus grand centre hospitalier de la Republique, à savoir l’HUEH, communément appelé l’hôpital général.
De l’eau a coulé sous les ponts depuis et la santé publique n’a jamais été une priorité et pour preuve, notre fameux Hôpital général ne répond plus aux urgences, car terrassé par la corruption et mauvaise gestion. La maternité Isaïe Jeanty à Chancerelles est en piteux état. Située aux confins des zones de non-droit, elle n’est que le souvenir du bon vieux temps et portera, peut-être la marque éternelle de notre rachitisme scellant notre sous-développement chronique et porté à bout de bras. La maternité Michelle Bennett Duvalier située à Bon Repos n’a jamais été reconstruite, parce qu’une fois de plus la santé de la population n’était jamais au menu des conversations politiques.
Qui veut aller loin, doit nécessairement ménager sa monture a dit le proverbe
Nos élites pensaient avoir un pays de rechange, leurs moindres éternuements sont traités dans des hôpitaux d’Amérique du nord ou européens et c’était pour eux une façon de se montrer importants et donc à l’abri de la détresse sanitaire haïtienne et comme les mauvaises choses ont la dent dure, quelques éléments de la très vulnérable classe moyenne se sont aussi prêtés à ce jeu d’idiots et d’auto-flagellation.
Aujourd’hui, la pandémie du Covid-19 remet tout en question: arrivisme, avarice, arrogance et mauvaise politique sont tous sanctionnés par sa fureur morbide. Aussi, le coronavirus est-il apparu comme le tyran qui n’épargnera personne: riches/pauvres, blancs/noirs.
Parce que vous n’avez jamais pensé à la santé de la population, parce que vous n’avez jamais pensé à la modernisation de notre système de santé en dotant le pays des centres hospitaliers bien entretenus et répondant aux normes internationales et parce qu’au menu de votre politique, les mots santé publique n’y ont jamais été. Aujourd’hui, nous le paierons tous au prix fort.
La fermeture de toutes les frontières nous impose ses nouvelles lois, trop célères pour ceux qui croyaient avoir des pays de rechange, trop célères pour ceux qui avaient leurs médecins traitants à l’étranger et trop célères pour nos politiciens qui n’en avaient cure et qui passaient leurs temps à nous enfariner.
La réalité les a tous rattrapés, et ils mourront tous dans l’indifférence la plus abjecte – car, qui veut aller loin, ménage sa monture et ménager la monture n’a jamais été leur fort. Les faits sont là, le covid 19 n’a fait que leur rappeler toute la mechanceté dont ils avons toujours été capables.
KeDar, Avril 2020
