
Prix du baril qui s’envole, crainte d’un embrasement entre Washington et Téhéran… Selon les experts, les frappes de drones auront un impact « considérable ».
C’est une attaque qui pourrait avoir des conséquences inquiétantes. La frappe de drones contre deux importantes installations pétrolières saoudiennes samedi, en plus d’influer sur le prix du pétrole brut, pourrait provoquer un regain de tensions entre Washington et Téhéran, alimentant de nouvelles craintes géopolitiques.
Revendiquée par les rebelles yéménites Houthis en conflit avec l’Arabie saoudite et soutenus par l’Iran, l’attaque a obligé le groupe pétrolier propriétaire Aramco à suspendre momentanément ses activités. L’Express fait le point sur les effets qu’ont, et pourraient avoir, ces attaques.
10 % de hausse du cours du baril dès ce lundi
L’attaque a eu des conséquences économiques dès ce lundi matin. Le Brent de mer du Nord a grimpé de 10,08 % à 66,29 dollars le baril après avoir gagné jusqu’à 19,5 %, un niveau sans précédent depuis la guerre du Golfe en 1991, à 71,95 dollars. Le brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) quant à lui est en hausse de 8,97 %.
Rien d’étonnant puisque ces deux installations saoudiennes produisent en temps normal 5,7 millions de barils par jour sur une production totale du pays équivalente à 10,3 millions de barils quotidiens, d’après le dernier rapport réalisé par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Avec l’attaque, c’est la moitié de la production saoudienne qui est touchée, soit 5 % de la production mondiale brute quotidienne.
Aramco n’a pas fourni de son côté de calendrier de retour à la normale et certains spécialistes du marché de l’or noir imaginent déjà le baril s’envoler jusqu’à 100 dollars si le problème n’est pas rapidement résolu. L’impact de cette attaque devrait notamment dépendre de deux éléments, la situation géopolitique et la durée de l’immobilisation des installations pétrolières endommagées.
« Pression maximale » sur l’Iran
Outre les conséquences économiques, ce baril à 66 dollars a aussi des conséquences diplomatiques. Cette attaque a remis une nouvelle fois sur la table les risques d’escalade entre Washington et Téhéran.
Mike Pompeo, le secrétaire d’État, a clairement mis en cause l’Iran, l’accusant d’avoir « lancé une attaque sans précédent contre l’approvisionnement énergétique mondial ». De son côté, le président américain a fait preuve d’un peu plus de prudence, se disant quoi qu’il en soit prêt à riposter.
Mais pour Thierry Coville, chercheur à l’Iris spécialiste de l’Iran, cette menace n’est pas pour autant synonyme d’embrasement : « Donald Trump n’est pas revenu sur son idée de rencontrer le président iranien Hassan Rohani. Il ne veut pas la guerre ni de nouveaux conflits et une réponse militaire n’arrangerait pas le problème du pétrole ».
Un avis partagé par Karim Pakzad, spécialiste des relations internationales : « C’est un incident parmi les autres. Même si le président américain est imprévisible et peut décider sur un coup de tête, il ne prendra pas le risque d’attaquer l’Iran parce qu’il sait que c’est un pays qui peut riposter », juge le chercheur.
D’autant plus que comme l’affirme Thierry Coville, Donald Trump à l’inverse des républicains, ne diabolise pas totalement l’Iran : « Trump n’est pas sur cette ligne là, et le limogeage de John Bolton le montre bien. Ils étaient en désaccord sur la position à adopter vis-à-vis de l’Iran ». Le président américain avait en effet déclaré que les Etats-Unis ne cherchaient à renverser le pouvoir à Téhéran, mais souhaitaient trouver un marché.
Donald Trump, qui a besoin d’une économie dynamique – et donc d’un baril à bas coût – pour sa réélection en 2020, a intérêt à limiter une potentielle envolée des prix de l’autre côte de l’Atlantique. C’est certainement pour cette raison qu’il a autorisé dimanche l’utilisation de réserves stratégiques américaines de pétrole si besoin, pour compenser cette baisse de production saoudienne.
Source: Lexpress